Dar Naïm compte 9 bidonvilles. Ces bidonvilles abritent 40% des habitants de la moughatâ. Une population estimée à 124 milles habitants, selon les statistiques de Mohamed lemine Ould Bouya, Maire-adjoint de la commune du chef-lieu de la moughatâa.
Le nombre des habitants de Lemgheïty est estimé à quelques 8.000 personnes. La plupart d’entre eux sont venus de l’intérieur du pays. Ce qui s’explique notamment par l’exode rural suscité par la sécheresse que le pays a connue au long des décennies 70 et 80.
Betta est une habitante d’une périphérie de Lemgheïty. Elle vit un calvaire pour accéder à l’eau. Car, les revendeurs d’eau préfèrent la clientèle proche de la route bitumée. Or, le chemin pour arriver à ladite route est impraticable. Résultat: elle se plaint de ne pas pouvoir accéder à l’eau, et si elle y parvient « cela coute les yeux de la tête » selon ses propres propos. Un prix élevé à cause des tarifs imposés par les charretiers qui monopolisent la revente de l’eau dans le quartier.
Moussa est charretier, revendeur d’eau. Il s’approvisionne d’un robinet qui vend l’eau en gros. Sa principale clientèle est la population du quartier. Moussa applique parfois des tarifs 10 fois plus chers que le prix d’achat. Un prix qu’il explique par l’impractabilité de la route liant sa source de ravitaillement à la clientèle ciblée.
Les prix d’eau qu’applique Moussa dépendent de la distance que lui, son âne et sa charrette doivent parcourir. Le client le plus proche de son point de ravitaillement doit négocier le prix autour de 6 fois plus cher que son prix d’achat. Le client le plus loin doit s’attendre à des prix 20 fois plus chers. Et entre les deux, il y a des prix intermédiaires. D’autres facteurs diminuent ou font monter le prix de l’eau: un facteur climatique lié à ce que si l’on est en été ou en hiver et un autre facteur lié à la loi du marché: l’offre et la demande.
En temps normal, le prix du baril d’eau atteint 500 ouguiyas (1.5 euros) à Lemgheïty.
Mahmoud Ali est distributeur d’eau. Il dispose d’un robinet grossiste autorisé par les autorités locales. La Société nationale des Eaux (SNDE) lui vend la tonne d’eau à un prix symbolique de 91 ouguiyas (0.25 euro). En contrepartie, la municipalité lui interdit de vendre le baril à plus de 50 ouguiyas (0.15 euro).
Mahmoud Ali dit qu’avec le tarif appliqué, son entreprise se trouve en perte nette. Car, dit-il, une importante quantité de cette eau est gaspillée pendant le remplissage des vases des acheteurs. Parfois, poursuit-il, on constate que l’eau potable est contaminée par les engrais des jardins à proximité. Ce qui lui impose de la vider entièrement sans être indemnisé ou gracié par la société, pourtant responsable, d’après lui, de la fuite.
Le Conseiller chargé des Coopératives à la Société nationale des Eaux (SNDE), Mohamed Ould Soueïdatt, déclare que la société donne une grande importance à la bonne qualité des eaux. Selon lui, il ne peut y avoir d’intersection entre les canaux des eaux et ceux d’assainissement qu’en cas de tentative de fraude ou de vol d’eau. Il rassure que la société intervient pour régler le problème, chaque fois qu’elle en est informée.
Zeïnebou Mint El Hacen est originaire de la ville de Kiffa, dans l’est de la Mauritanie. Elle habite à Lemgheïty. Elle se plaint de la cherté et la rareté de l’eau dans son coin: «près de chez moi, les conteneurs de la municipalité sont vides depuis cinq mois. Nous n’avons plus d’eau et nous ne savons pas pour quelle raison la mairie ne nous fournit plus d’eau» a-t-elle déclaré.
Le maire de la commune, Kenata Ould Nakra, porte sur la SNDE la responsabilité de l’arrêt de l’approvisionnement du quartier en eau potable. Selon lui, la société s’était justifiée par la panne de ses camions citernes. Elle aurait même suspendu une convention entre elle et la mairie, qui permettrait aux habitants de Lemgheïtty de bénéficier d’une tarification communautaire.
Pour sa part, le Directeur commercial de la SNDE, Mohamed Erradhi Ould Bennahi, a déclaré que «la convention avec la mairie est toujours en vigueur, (que) la société n’a pas arrêté ses services, mais c’est la mairie qui a cessé, depuis des mois, de demander l’eau pour Lemgheïty».
Ould Bennahi a ajouté que «la société impose aux intermédiaires grossistes des tarifs à appliquer à la vente aux consommateurs». Il précise que «la société n’a reçu aucune plainte». Par ailleurs, conclut-il, «la rehausse, par les revendeurs grossistes, des prix de vente fixés par la SNDE, est passible à la suspension immédiate du service de façon permanente».
L’Association de la Protection du Consommateur considère que la situation d’eau est catastrophique à Lemgheïty et dans les autres bidonvilles, que ça soit en termes de qualité ou des coûts exorbitants. Ceci est dû, d’après l’association, à l’absence de contrôle. Une absence causée, selon elle, par l’interférence des pouvoirs du contrôle entre plusieurs départements ministériels. Cette interférence des pouvoirs, ainsi que la démission totale de l’Etat dans ces zones, constituent, pour El Khalil Ould Khaïry, Secrétaire général de l’association, la principale cause du non accès du citoyen lambda à ses droits et à l’eau qui est une denrée vitale.